La transition énergétique dans les collectivités 

Publié le 26/10/2023      4 minutes de lecture

Quels sont les leviers et les mécanismes de financement à disposition des collectivités territoriales pour conduire leur transition énergétique ?

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Le fonds Chaleur, un puissant levier pour la transition énergétique des collectivités

 

Les dispositifs proposés par l’État pour accompagner la transition énergétique des collectivités et des entreprises n’ont pas tous suscité le même engouement. Certains n’ont pas trouvé leur public, à cause notamment d’une certaine complexité administrative ou d’incitations jugées insuffisantes. D’autres, en revanche, ont connu un fort taux d’adoption , comme le fonds Chaleur de l’ADEME. Décryptage…

Qu’est-ce que le fonds Chaleur ?

Le fonds Chaleur a été mis en place à l’initiative de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) en 2009. Sa création a été motivée par la nécessité d’accompagner la transition énergétique en France, spécifiquement dans le secteur du chauffage, qui représente une part importante de la consommation d’énergie du pays et des émissions de gaz à effet de serre, notamment le dioxyde de carbone.

Le principal objectif de ce fonds est de soutenir financièrement la production de chaleur à partir de sources renouvelables ou de récupération afin de la rendre économiquement compétitive face aux énergies fossiles. Par construction, il vise à réduire la dépendance de la France vis-à-vis des énergies non renouvelables, améliorer sa souveraineté énergétique et minimiser son empreinte carbone.

La mise en place de ce fonds a été favorisée par le Grenelle de l’Environnement, un ensemble de mesures lancées en 2007 pour répondre aux défis écologiques majeurs auxquels la France est confrontée.Au niveau légal, le fonctionnement et le financement du fonds Chaleur sont encadrés par les Lois de finances successives qui définissent son budget annuel, ainsi que par les Programmes Pluriannuels de l’Énergie (PPE) qui tracent les orientations stratégiques en matière d’énergies renouvelables.

Ce fonds se veut éclectique et couvre une grande diversité de projets de transition énergétique :

· Les chaufferies biomasse, des installations qui produisent de la chaleur en brûlant de la biomasse (bois, résidus agricoles, etc.) ;

· Les réseaux de chaleur renouvelables, des systèmes de distribution de chaleur provenant de sources renouvelables pour alimenter plusieurs bâtiments ou structures ;

· Les installations de géothermie qui utilisent la chaleur provenant du sous-sol terrestre pour produire de l’énergie thermique ;

· La récupération de chaleur industrielle, des systèmes captant et réutilisant la chaleur produite par des processus industriels et qui serait autrement perdue ;

· Les installations de solaire thermique qui utilisent l’énergie solaire pour chauffer un fluide, généralement de l’eau, pour des applications de chauffage ou la production d’eau chaude sanitaire (ECS).

Le fonds Chaleur apporte un soutien financier sous forme de subventions dont le montant est déterminé en fonction de la nature du projet, de sa taille, de son impact environnemental et d’autres paramètres techniques et économiques.

 

Fonds Chaleur : qui est concerné ?

 

Le fonds Chaleur s’adresse à un grand nombre de porteurs de projets, qu’ils soient issus du secteur public ou privé, afin d’accroître la part des énergies renouvelables dans la production de chaleur en France.

En somme, estconcerné par le fonds Chaleur tout projet susceptible d’optimiser les consommations thermiques et énergétiques et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Dans le détail, le fonds Chaleur est accessible aux sept acteurs suivants :

1. Les collectivités territoriales, à savoir les communes, les intercommunalités, les départements et les régions, peuvent bénéficier du fonds Chaleur pour des projets liés à la chaleur renouvelable, que ce soit pour le chauffage de bâtiments publics, la mise en place de réseaux de chaleur ou d’autres initiatives locales ;

2. Les entreprises, de la TPE à la grande entreprise du secteur industriel, agricole ou tertiaire, peuvent solliciter des aides dans le cadre du fonds Chaleur pour des projets de production de chaleur verte ou de récupération de chaleur ;

3. Les établissements publics, à savoir les hôpitaux, les universités et les écoles peuvent également bénéficier du fonds Chaleur pour la transition vers des solutions de chauffage (et de refroidissement) plus durables ;

4. Les organismes de logement social peuvent obtenir un soutien de l’ADEME dans le cadre du fonds Chaleur pour intégrer des solutions de chauffage renouvelable dans leurs bâtiments ;

5. Certaines associations, en particulier celles œuvrant pour la transition énergétique ou la protection de l’environnement, peuvent être éligibles si elles portent des projets en rapport avec la chaleur renouvelable ;

6. Les exploitants agricoles peuvent prétendre à un soutien financier dans le cadre du fonds Chaleur pour des projets de méthanisation ou d’utilisation de résidus agricoles pour la production de chaleur ;

7. Les coopératives énergétiques et autres groupements d’acteurs locaux visant à produire et distribuer de l’énergie renouvelable à l’échelle locale sont également concernés.

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Fonds Chaleur : quels objectifs ?

 

Le fonds Chaleur n’est pas associé à des objectifs qui lui sont propres, dans la mesure où il s’agit d’un mécanisme au service de la réalisation des objectifs fixés par la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, notamment :

· Atteindre 33 % d’énergies renouvelables (EnR) à l’horizon 2030 ;

· Faire en sorte que 38 % de la chaleur et du froid consommés en 2030 soient d’origine renouvelable (contre environ 20 % en 2020) ;

· Multiplier par 5 la quantité d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) livrées par les réseaux de chaleur et de froid d’ici 2030.

Fonds Chaleur : un premier bilan satisfaisant

Les entreprises, les collectivités et les acteurs de l’habitat collectif qui financent leurs projets de transition énergétique par le fonds Chaleur peuvent réaliser jusqu’à 25 % de gains sur leur facture énergétique, sachant que le mécanisme peut financer :

· Jusqu’à 60 % du coût de l’installation pour les réseaux de chaleur et de froid, avec un bonus de 20 % pour les PME ;

· Jusqu’à 45 % des investissements pour les énergies renouvelables (biomasse, solaire, géothermie), avec un bonus de 20 % pour les PME ;

· Jusqu’à 30 % des investissements pour la récupération de chaleur, avec là encore un bonus de 20 % pour les PME ;

· En 2023, et dans le cadre du plan de décarbonation de l’industrie, des aides financières supplémentaires ont été allouées aux acteurs de l’industrie manufacturière afin de soutenir le fonctionnement et la maintenance des installations biomasse. Ces aides sont cumulables aux dispositifs existants dans le cadre du fonds Chaleur et au-delà.

Sur la période 2009 – 2022, plus de 7 100 entreprises et collectivités avaient bénéficié de ce dispositif pour maîtriser et optimiser la production de chaleur et de froid renouvelables via la biomasse, les réseaux de chaleur et de froid, le solaire thermique, la géothermie, la méthanisation et la récupération de chaleur fatale.

Sur la période 2020 – 2022, l’Etat a consacré une enveloppe de près d’un milliard d’euros au fonds Chaleur, soit une hausse de près de 100 millions d’euros par rapport à la période 2018 – 2020 pour répondre à l’engouement des entreprises et des collectivités.

Fonds Chaleur : ces collectivités qui ont sauté le pas

Augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique, réduction des émissions de gaz à effet de serre de plusieurs dizaines de milliers de tonnes chaque année, stabilisation des prix de l’énergie dans un contexte de volatilité, création d’emplois directs… les collectivités qui ont lancé des projets de transition énergétique en récoltent aujourd’hui les fruits.

. Le tableau de synthèse suivant résume les financements utiles du Fonds chaleur pour le développement de ces projets :

Collectivité Contexte Objectifs Solution retenue Montant de l’investissement et des aides Bilan
Angers Loire

Métropole

Le projet est né d’une ambition forte de la métropole depuis la première moitié de la décennie 2010 : accélérer la transition écologique du territoire. Produire une chaleur décarbonée à un prix stable pour les usagers Mise en place d’un réseau de chaleur alimenté par une chaufferie biomasse sur le quartier de Belle-Beille 22,5 millions d’euros, dont 51 % financés par le fonds Chaleur de l’ADEME, soit 11.5 millions d’euros. Autres aides : le Fonds européen de développement régional a participé à hauteur de 850 000 €. Bilan énergétique : réseau de chaleur alimenté par des énergies renouvelables à hauteur de 80 %. Bilan écologique : 19 500 tonnes de dioxyde de carbone évitées depuis sa création, soit l’équivalent de 3 800 véhicules en circulation. Économie : prix de l’énergie stable et maîtrisé sur le long terme avec l’application d’un taux de TVA de 5.5 % Autre : ce projet a permis la création de 6 emplois directs.
La ville de

Pons, en

Charente-

Maritime

La ville de Pons cherchait à renforcer son réseau de chaleur biomasse existant par une centrale solaire thermique. S’affranchir des fluctuations de prix des énergies fossiles en augmentant le taux d’EnR et lutter contre le réchauffement climatique. Centrale solaire thermique reliée au réseau de chaleur urbain. 1,3 million d’euros, financés à hauteur de 44,6 % par le fonds Chaleur, soit 580 000 €. Autres aides : le financement de la région à hauteur de 12,9 %, soit 167 500 €. Bilan énergétique : puissance crête de 1,5 MW thermique ; Bilan écologique : réduction de près de 250 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone par an ; Économie : réduction de 15 % par rapport au prix moyen des énergies fossiles ; Autre : création de deux équivalents temps plein.
Métropole Nice

Côte d’Azur

Proposer un nouveau modèle d’aménagement et d’urbanisme conjuguant économie et transition énergétique. Produire de la chaleur et du froid renouvelables grâce à des ressources disponibles localement. Un réseau de chaleur et de froid alimenté par une centrale géothermique. 11,2 millions d’euros, dont 32 % financés par le fonds Chaleur, soit 3,6 millions d’euros. Bilan énergétique : rendement distribution de 92 % en chaleur et de 95 % en froid ; Bilan écologique : réduction de près de 5 000 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone par an ; Économie : réduction de 15 % par rapport au prix moyen des énergies fossiles ; Autre : création de 10 équivalents temps plein, et 15 entreprises locales impliquées pendant la phase des travaux.
Narbonne,

dans l’Aude

La collectivité ayant déjà fait le choix de la chaleur renouvelable pour son réseau de chaleur avec une chaufferie biomasse en 2006, elle souhaitait poursuivre ses efforts pour lutter contre le réchauffement climatique. Accélérer la décarbonation de la ville et gagner en indépendance énergétique. Une centrale solaire thermique. 2 millions d’euros, dont 55 % financés par le fonds Chaleur, soit 1,1 million d’euros. Bilan énergétique : puissance crête de 2,8 MW thermique ; Bilan écologique : réduction de près de 580 tonnes d’émissions de dioxyde de carbone par an ; Économie : réduction dans la facture énergétique des résidents bénéficiant du réseau de chaleur ;Autre : réhabilitation d’un terrain municipal inutilisé et ne pouvant accueillir d’autres activités.

 

Comment faire bénéficier ma collectivité du fonds Chaleur ?

Les collectivités qui souhaitent actionner le levier du fonds Chaleur dans le cadre de leur transition énergétique doivent ficeler un projet solide. L’ADEME fournit un cadre de référence, avec les « étapes clés de la conception d’un projet de qualité » :

1. Projection à 2030. Les porteurs de projet doivent déployer une vision à long terme pour leur collectivité, notamment en établissant un scénario de développement de la chaleur énergie renouvelable et récupérable (EnR&R) qui s’aligne sur les ambitions de la loi TECV, adapté à la taille et aux besoins spécifiques de la collectivité ou du territoire ;

2. Analyse des besoins thermiques. Il s’agit d’identifier de manière précise les besoins en chaleur de la zone concernée. Si un réseau de chaleur existe déjà, les porteurs de projet doivent déterminer s’il y a lieu de l’étendre, de le densifier ou de le moderniser ;

3. Inventaire des ressources. Un bilan des ressources en énergie renouvelable et récupérable (EnR&R) disponibles. Cela englobe la biomasse, la géothermie, le solaire, le biogaz et toute chaleur de récupération potentielle. afin de s’assurer de la vialbilité de ces ressources.

4. Choix du système de production. Selon le contexte et les besoins de votre collectivité, optez pour le système de production EnR&R ou de récupération le plus approprié. Votre projet peut ainsi impliquer la mise en place d’une nouvelle infrastructure ou la modernisation d’une infrastructure existante ;

5. Dimensionnement adapté. L’efficacité de votre projet dépend de son dimensionnement thermique optimal. Les équipements choisis doivent correspondre à la fois aux besoins actuels et futurs de votre collectivité ;

6. Analyse économique. Étudiez la viabilité financière du projet en tenant compte des coûts initiaux, des coûts d’exploitation, des éventuels revenus et des économies générées ;

7. Évaluation environnementale et sociale. Enfin, mesurez l’impact environnemental du projet notamment en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre évitées, et évaluez son impact social, notamment en matière de création d’emplois ou de bien-être des habitants.

En suivant ces étapes de manière rigoureuse et en collaboration étroite avec l’ADEME, votre collectivité sera mieux positionnée pour bénéficier du fonds Chaleur et concrétiser ses ambitions en matière de transition énergétique. Êtes-vous éligible ?

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Fonds Chaleur : le lexique pour se lancer

ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie)

Organisme public français sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, dédié à la transition énergétique et écologique.

Biomasse

Matière organique d’origine animale ou végétale pouvant être utilisée comme source d’énergie. Elle comprend les résidus agricoles, les déchets forestiers, certaines cultures énergétiques, les déchets organiques, etc.

Chaleur fatale

Chaleur résiduelle produite par des procédés industriels ou autres, qui est généralement perdue dans l’environnement, mais qui peut être capturée et utilisée pour d’autres applications, notamment le chauffage.

Énergie renouvelable et de récupération (EnR&R)

Énergies dont la source se renouvelle naturellement et à une échelle de temps humaine, et qui englobe également les énergies récupérées à partir de processus industriels ou autres (chaleur fatale par exemple). Elles incluent l’énergie solaire, éolienne, hydraulique, géothermique, biomasse et la chaleur récupérée.

Géothermie

Technique qui permet d’exploiter la chaleur stockée dans le sous-sol terrestre. Cette énergie est extraite soit directement sous forme de chaleur (eau chaude, vapeur) ou après une transformation en électricité. La géothermie couvre une gamme d’applications allant du chauffage domestique à la production d’électricité, en fonction de la profondeur et de la température des ressources géothermiques exploitées.

Grenelle de l’Environnement

Processus de consultation mis en place en 2007 en France pour définir les principales orientations en matière de transition écologique et de développement durable.

Loi TECV (Transition Énergétique pour la Croissance Verte)

Loi adoptée en 2015 visant à renforcer la transition énergétique et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Méthanisation

Processus biologique anaérobie de dégradation de matières organiques par des micro-organismes. Ce processus produit un mélange gazeux principalement composé de méthane (CH₄) et de dioxyde de carbone (CO₂) appelé biogaz.

Ce biogaz peut être utilisé comme source d’énergie pour la production de chaleur, d’électricité ou être épuré pour obtenir du biométhane, qui peut être injecté dans le réseau de gaz naturel ou utilisé comme carburant pour les véhicules. La méthanisation contribue également à la gestion durable des déchets organiques (comme les résidus agricoles ou les boues d’épuration) et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Programmes Pluriannuels de l’Énergie (PPE)

Outils de programmation qui fixent les priorités d’actions de l’Etat pour gérer l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire.

Réseau de chaleur

Infrastructure composée principalement de canalisations souterraines permettant de distribuer la chaleur produite dans une centrale de production (chaufferie ou usine de cogénération) vers des bâtiments résidentiels, tertiaires ou industriels pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire.