Energie Enjeux Industrie Nouvelles pratiquespar Pierre-Henri Girard Claudon - L'Usine Nouvelle

Tout comprendre au SBTi, le nouveau mantra des grandes entreprises en matière de décarbonation

Publié le 23/05/2024      5 minutes de lecture

[Le SBTi peut-elle réconcilier les grandes entreprises avec le climat ? 1/3] Il s’est imposé comme le standard de référence de la décarbonation des plus grandes entreprises au niveau mondial. Née en 2015, à la suite de la COP 21 à Paris, la Science based targets initiative – SBTi pour les intimes – certifie désormais les trajectoires climat de près de 5500 entreprises dans le monde, dont 400 en France. Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Réponse dans le premier volet de cette série.

Puits de pétrole

© Zbynek Burival – Unsplash
Le SBTi peut-il permettre d’accélérer la bascule vers une économie décarbonée ?

SBTi : ces quatre lettres ne vous disent rien ? La «Science based target initiative» est pourtant devenue le référentiel mondial de la décarbonation en certifiant – moyennant finances, au moins 9000 euros pour obtenir son tampon – les ambitions climat des entreprises. Une prouesse pour cette initiative fondée lors de la COP 21 en 2015 à Paris, notamment sous l’impulsion des Nations Unies ou encore de WWF. L’objectif : rendre l’activité économique compatible avec un dessein de neutralité carbone à mi-siècle.

«Leur idée, c’est qu’une société ne doit pas se contenter de faire un peu mieux que l’année précédente au niveau du climat ou d’être légèrement meilleure que son marché, mais qu’elle doit avoir des objectifs climatiques alignés avec les accords de Paris», résume Anders Bjorn, l’un des chercheurs les plus actifs et reconnus sur le sujet. Ou comment passer d’une trajectoire carbone à respecter au niveau du globe à un objectif pour une personne morale. Les équipes du SBTi ont donc développé des méthodes de réduction des émissions adaptées à ces dernières et assurent en parallèle leur certification, à la manière d’un label.

Un label scruté par le monde de la finance

Là où les entreprises aimaient auto-certifier leurs actions et développer leurs propres outils de mesure des engagements, le tampon permet d’introduire un peu de transparence. Il leur faut désormais élaborer de véritables feuilles de routes rendues publiques. «Le SBTi n’est pas l’alpha et l’oméga, mais c’est un critère qui est désormais très important pour le monde de la finance, indique Caroline Le Meaux, en charge de la recherche RSE chez Amundi. Nous aimons avoir des donnés normalisées, centralisées et certifiées : le SBTi remplit cette mission.»

«Le démarrage a été lent», se rappelle toutefois Anders Bjorn. Fin 2020, seules 500 entreprises ont vu leurs ambitions climatiques approuvées par les équipes du SBTi sur l’ensemble du globe. Depuis, tout s’accélère : la barre des 5000 a été allègrement franchie en 2024, et les équipes de l’organisation ambitionnent d’atteindre les 10000 entreprises certifiées l’an prochain. Une histoire qui est d’abord une affaire de gros : la très grande majorité du CAC 40 est engagée, là où le SBTi reste une exception dans le monde des PME.

Une progression pas prête de s’arrêter ?

En Europe, un petit coup de pouce réglementaire devrait permettre à l’initiative de progresser encore. «La CSRD va rendre le SBTi quasi incontournable, estime Alexandre Rambaud, maître de conférences à Agro Paris Tech et chercheur en comptabilité climatique. La norme ESRS E1 impose aux entreprises un plan de transition crédible avec des indicateurs de suivi et un budget alloué.»

L’afflux de demandes et la lumière des projecteurs a poussé l’équipe en charge du SBTi à faire sa mue. A commencer par ses effectifs, qui ont triplé en deux ans, pour atteindre 140 personnes. Cependant, l’équipe chargée de «valider» ne comptait que 15 personnes l’an dernier, comme le rapporte le MIT Tech Review – le SBTi n’a pas souhaité apporter de détail quant à l’effectif précis. Il faut actuellement environ six mois pour obtenir le précieux tampon. La gouvernance aussi a – enfin – évolué pour répondre à une des critiques les plus récurrentes : celle d’être à la fois prescripteur et juge de son propre standard.