Focus sur la loi pour une industrie verte

Publié le 28/11/2023      4 minutes de lecture

Au-delà de l’effort de décarbonation, il y a également l’impératif de la réindustrialisation… un équilibre délicat que tente de trouver la loi Industrie verte.

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Loi Industrie verte : tout comprendre en 3 questions (et réponses) 

Face à l’urgence climatique, les grandes puissances réorientent l’outil industriel pour intégrer le prisme écologique. 

En France, le secteur de l’industrie génère 18 % des émissions annuelles de gaz à effet de serre. Mais au-delà de l’effort de décarbonation, il y a également l’impératif de la réindustrialisation… un équilibre délicat que tente de trouver la loi Industrie verte, entrée en vigueur en octobre 2023. Décryptage en 3 questions clés. 

#1 Quelle a été la genèse de la loi Industrie verte ? 

Le projet de loi dit « Industrie verte » avait été présenté au Conseil des ministres le 16 mai 2023 par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. 

Les échanges avaient alors fait apparaître deux objectifs majeurs : d’un côté, accélérer la relocalisation de l’industrie en France et favoriser le Fabriqué en France, et ensuite, concrétiser la décarbonation de l’industrie pour « consommer moins d’énergie, rejeter moins de dioxyde de carbone et accélérer la décarbonation de l’économie grâce à l’industrie », expliquait Guillaume Kasbarian, alors coordinateur du projet de loi Industrie verte, dans une vidéo diffusée sur la chaîne YouTube du ministère de l’Économie et des Finances. 

Un mois plus tard, le texte sera adopté en première lecture par le Sénat avec quelques modifications. S’ils ont largement souscrit aux objectifs du projet de loi, les sénateurs ont exprimé des doutes sur l’impact des mesures. L’article 9 a concentré l’essentiel de leurs remarques, notamment pour remettre les élus locaux dans la boucle et pour instaurer un dialogue entre l’Etat et les collectivités locales avant toute modification des documents d’urbanisme. Le ministre de l’Économie s’est dit favorable à cette modification, et le texte du projet de loi a été adopté dans la foulée par l’Assemblée nationale le 21 juillet 2023.  

Après avoir trouvé un accord en commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale adopte la version finale du projet de loi le 10 octobre 2023, et le Sénat l’adoptera dès le lendemain. A noter : au vu de l’urgence de la question climatique et du rôle décisif de l’industrie dans la décarbonation de l’économie, le gouvernement a enclenché la procédure accélérée. 

A la demande des parlementaires, l’Etat a mis en place une stratégie nationale pour une industrie verte pour la période 2023 – 2030, qualifiée de « décisive » en raison de l’échéance de la neutralité carbone. 

💡 Rappel : qu’est-ce que la procédure accélérée ? 

Il s’agit d’une procédure utilisée dans le processus législatif pour accélérer l’examen et l’adoption d’un projet ou d’une proposition de loi. Elle a été introduite par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Voici quatre éléments clés sur cette procédure : 

  1. Qui décide ? C’est le Premier ministre (pour les projets de loi) ou les présidents des deux assemblées (pour les propositions de loi) qui peuvent décider d’engager la procédure accélérée. Le cas échéant, la décision doit intervenir dès la transmission du texte à la première assemblée saisie et, au plus tard, lors de l’ouverture du débat en séance publique. 
  1. Réduction du nombre de lectures. En procédure normale, le texte est soumis à deux lectures par chaque assemblée (Assemblée nationale et Sénat) avant son adoption définitive. En procédure accélérée, il n’y a, en principe, qu’une seule lecture par assemblée. 
  1. Commission mixte paritaire (CMP). Si des désaccords subsistent après l’unique lecture par chaque assemblée, une commission mixte paritaire est convoquée. Elle est composée de sept députés et sept sénateurs et vise à parvenir à un texte commun. Si la CMP parvient à un accord, le texte est soumis pour approbation à chaque assemblée, sans possibilité d’amendement. Si aucun accord n’est trouvé, le gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. 
  1. Une procédure efficace… mais critiquée. Ses détracteurs estiment qu’elle réduit le temps de débat et d’examen des textes législatifs, limitant ainsi la qualité et l’efficacité de la législation. Toutefois, elle peut être jugée nécessaire pour répondre rapidement à des situations d’urgence ou pour mettre en œuvre des engagements pris par le gouvernement. 

 

#2 Loi Industrie Verte : quels objectifs ? 

Élaborée tout au long de l’année 2023 avec des acteurs de la société civile et des élus, la loi Industrie verte s’articule autour de trois objectifs :  

  • Objectif 1 : accélération de la réindustrialisation de la France ; 
  • Objectif 2 : mise en œuvre de la décarbonation de l’industrie ; 
  • Objectif 3 : faire de la France le leader européen de l’industrie verte. 

Ces trois objectifs se déclinent en plusieurs sous-objectifs liés à l’environnement, à l’économie et à la souveraineté nationale.  

Pour contribuer à l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2030, les mesures de la loi Industrie verte devraient permettre une baisse de 41 millions de tonnes d’équivalent CO2, soit une baisse de 5 % de l’empreinte environnementale des importations.  

Sur le plan économique, les différentes mesures de la loi Industrie verte devraient stimuler la création d’emploi et contribuer à l’aménagement des territoires. Rappelons que l’industrie française a perdu plus de 2,5 millions d’emplois en une cinquantaine d’années, et que sa part dans le PIB a été divisée par deux, passant de 22 % à 11 % sur la même période. 

La loi Industrie verte est enfin la réponse de la France à des projets similaires lancés en grande pompe par les deux grandes puissances mondiales que sont la Chine et les Etats-Unis :  

  • Le plan quinquennal de la Chine (2022 – 2027) prévoit des mesures ambitieuses pour faire émerger l’industrie verte la plus dynamique au monde ; 
  • L’Inflation Reduction Act, adopté fin août 2022, concrétise l’ambition des Etats-Unis de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 %, notamment en stimulant les industries vertes (y compris avec des mesures protectionnistes). 

Pour répondre à l’ensemble de ces objectifs, l’Etat compte engager 23 milliards d’euros d’investissement en faveur de l’industrie verte à l’horizon 2030.  

#3 Quelles sont les mesures phares de la loi Industrie verte ? 

La loi Industrie verte se base sur quatre grandes familles de mesures que nous résumons dans les tableaux suivants. 

  1. Faciliter l’implantation de sites industriels 
Mesure  Détail 
Optimisation des procédures  L’objectif est de rendre plus efficaces les processus relatifs aux implantations industrielles. On prévoit notamment une meilleure planification du foncier industriel à l’échelle régionale via les SRADDET (schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires). 
Concertation mutualisée  Dans les régions où l’activité industrielle est en pleine expansion, les discussions préliminaires avec le public seront regroupées par zone géographique, plutôt que par projet spécifique. Cela permet d’harmoniser les retours et d’accélérer les validations. 
Priorité à la dépollution en cas de liquidation  Si une entreprise fait faillite, les coûts associés à la sécurisation d’un site pollué seront remboursés en priorité. C’est une assurance pour les communautés locales que les sites seront traités même en cas de difficultés financières de l’entreprise. 
Réhabilitation des friche industrielles  La loi Industrie verte facilite la procédure de réhabilitation des anciens sites industriels. Elle introduit la possibilité pour les porteurs de projets d’entreprendre des compensations écologiques à l’avance, y compris pour des projets individuels. 
Simplification de l’autorisation environnementale  Les phases d’instruction et de consultation publique seront menées simultanément. L’ambition est de réduire les délais d’autorisation de 17 à 9 mois. 
Procédure exceptionnelle pour projets majeurs  Pour les grands projets industriels d’importance nationale, comme les gigafactories, une procédure simplifiée est mise en place, avec des adaptations plus rapides des réglementations locales, des procédures accélérées pour le raccordement électrique et la gestion des permis de construire directement par l’État. L’accord préliminaire des autorités locales reste essentiel. 
Surveillance du transfert des déchets industriels  Une amende sera infligée en cas de transfert illégal de déchets à l’étranger afin de prévenir les dépôts sauvages dans les pays où la régulation est plus laxiste. 
  1. Financer des projets industriels verts 
Mesure  Détail 
Plan d’Épargne Avenir Climat (PEAC)  Il s’agit d’un nouveau dispositif d’épargne destiné aux jeunes, et qui peut être ouvert par les parents dès la naissance. Il sera totalement exonéré d’impôt et de cotisations sociales. Ses modalités de fonctionnement seront détaillées par décret. 
Mobilisation de l’Assurance-Vie et des Plans Épargne Retraite (PER)  Ces outils financiers seront utilisés pour soutenir davantage la décarbonation des PME et des entreprises intermédiaires. L’État envisage de reconnaître de nouveaux labels pour garantir les investissements dans les technologies vertes. 
Soutien aux technologies vertes et de décarbonation  Un crédit d’impôt « investissement industries vertes » (C3IV) sera introduit pour favoriser les investissements dans l’éolien, le photovoltaïque, les batteries et les pompes à chaleur. 
Autorisation pour la Banque de France  La Banque de France pourra désormais collecter des données d’entreprise en rapport avec la durabilité pour produire un « indicateur climat ». Objectif : aider les entreprises et les acteurs financiers à mieux comprendre l’impact environnemental de leur activité. 
  1. Permettre une commande publique plus verte 
Mesure  Détail 
Nouveaux motifs d’exclusion pour les marchés publics 

Entreprises ne respectant pas l’obligation de bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre (BEGES). 

 

Entreprises ne respectant pas leurs engagements de publication d’information en matière de durabilité (les collectivités locales ont la discrétion d’appliquer ou non ces exclusions).  

 

 Offres provenant de pays tiers pratiquant une concurrence déloyale envers la France. Un décret détaillé est attendu. 

Extension des SPACER  Les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPACER) seront désormais applicables à l’État. 
Anticipation de la prise en compte des critères environnementaux  Les marchés publics devront intégrer des critères environnementaux dès juillet 2024, au lieu d’août 2026, comme il était initialement prévu, en particulier pour des produits essentiels à la décarbonation comme les voitures électriques et les pompes à chaleur. 
Critères de sélection pour les offres  La loi souligne que l’évaluation d’une offre comme étant « économiquement la plus avantageuse » doit également tenir compte de critères qualitatifs, environnementaux ou sociaux. 
  1. Conditionner les aides publiques à la transition écologique 

Cette mesure n’était pas prévue dans le projet de loi. Elle prévoit l’obligation pour les entreprises bénéficiant d’aides publiques de l’Etat, de l’ADEME et de Bpifrance au titre de la transition écologique de réaliser un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre. 

Amendements dispositions plan national