Commerce Enjeux Point de vuepar Yves Puget – LSA

[Point de vue] Trop de lois. Mais…  

Publié le 19/02/2024      2 minutes de lecture

Difficile de suivre l’effervescence législative et normative de Paris et Bruxelles. Les agriculteurs se plaignent avec vigueur de toutes ces lourdeurs qu’on leur impose. Mais ils ne sont pas les seuls.  

Livre ouvert

Du côté du commerce, c’est aussi l’accumulation avec les lois Transition énergétique pour la croissance verte (2015), Gaspillage alimentaire (2016), Elan (2018), Lom (2019), Pacte (2019), Lec (2019), Agec (2020), Climat et résilience (2021) ou Aper (2023). Comprenne qui pourra ! Cela donne, à titre d’exemple, l’obligation de diminuer la consommation énergétique des sites de 40 % d’ici à 2030, d’installer des fontaines à eau dans les magasins (une pour 300 personnes), de fermer les portes l’été si le site est climatisé, l’hiver s’il est chauffé, d’installer sur les parkings des ombrières photovoltaïques sur 50 % de leur surface, de tendre vers l’objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici à janvier 2025, de mettre fin aux emballages plastiques à usage unique d’ici à 2040, d’imposer des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) d’ici au 31 décembre 2024 dans les agglomérations de plus de 150000 habitants, d’instaurer du vrac sur 20 % de la surface de vente des GMS. Et, nec plus ultra, l’ancien gouvernement a avancé l’idée de réécrire le livre 4, titre 4, du Code de commerce, qui régit la relation entre fournisseur et distributeur. Autrement dit, il voulait mettre fin à l’inflation des lois… par une nouvelle loi. 

Où est le choc de simplification ? Pour plagier les nouveaux termes de « shrinkflation » ou de « cheapflation », on peut parler de « légisflation ». La France croule en effet sous les normes, les réglementations et autres circulaires alors qu’industriels et distributeurs font face à une situation économique instable. Ils ont affronté la pandémie de Covid puis subi les conséquences de la guerre en Ukraine. Ils gèrent des ventes imprévisibles avec des consommateurs à la fois exigeants et économes. Et malgré cette ambiance, ils doivent investir dans l’innovation et le développement durable. Ce qui demande de l’argent et du temps. Et donc une certaine forme de stabilité législative pour de la visibilité entrepreneuriale. 

Résultat, beaucoup d’entreprises françaises se demandent que faire, ou comment, et finissent par ne rien faire du tout. Quant aux sociétés étrangères, elles se disent, ou vont se dire, que, décidément, la France est un curieux pays suradministré où les règles du jeu changent trop souvent. Tout ça, bien évidemment, va à l’encontre de la demande de souveraineté industrielle et surtout alimentaire. Pour y parvenir, il faut aider les entreprises et non les contraindre. Halte à la sur enchère législative, au « délire normatif », qui mine leur compétitivité… Légiférer à l’aveugle, sans étude d’impact sérieuse et sans concertation avec les professionnels concernés, est trop souvent devenu, hélas, un sport national. L’un des enjeux pour le Premier ministre, Gabriel Attal, et son gouvernement, est peut-être là : abaisser la fiscalité des entreprises et alléger leurs contraintes pour qu’elles investissent et recrutent. Mais surtout faire simple et efficace. Car le risque, surtout avec les difficultés économiques actuelles et avec la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier pour les grandes entreprises et les PME cotées en bourse (applicable depuis le 1er janvier 2024) est de voir des entreprises ne plus investir dans le développement durable, faute de moyens financiers ou parce qu’elles se doivent de passer un temps fou dans du reporting administratif ! Après les excès d’une écologie quelque peu punitive et des projets allant dans tous les sens et trop souvent sans la moindre étude d’impact, il existe un risque réel de tomber dans l’excès inverse, celui de l’immobilisme en attendant des jours meilleurs. Et là, il revient aux gens modérés et raisonnables de prendre le relais de ceux qui ont été des passionnés, des agitateurs et des militants, parfois excessifs mais aussi utiles, pour convaincre que non seulement un retour en arrière n’est pas possible, mais qu’il reste encore beaucoup à faire. Que le mouvement est lancé et que rien ne l’arrêtera.   

Yves Puget – LSA