« L’erreur a été de présenter l’hydrogène comme une solution miracle »
Publié le 23/05/2024 2 minutes de lecture
L’hydrogène décarboné, dit « vert », a souvent été présenté comme une solution idéale pour réussir à décarboner de nombreux secteurs, de l’industrie à la mobilité. Cependant, après l’engouement des premiers temps, les résultats se font attendre. On fait le point sur le développement de cette énergie verte, entre promesses et réalités.
![Hydrogen renewable energy production - hydrogen gas for clean el Energie renouvelable hydrogène](https://www.decarbonation2030.fr/app/uploads/2024/05/Hydrogen-H2-scaled.jpeg)
Pour Philippe Boucly, président de France Hydrogène, une association qui regroupe les acteurs de la filière, « l’erreur a été de présenter l’hydrogène comme une solution miracle ». En effet, si l’hydrogène, en particulier l’hydrogène vert, est un « levier indispensable » sans lequel « on ne pourra pas réussir la transition énergétique », il précise que « même si l’électrification est croissante, on ne peut pas tout électrifier. »
Si l’hydrogène vert ne résoudra pas à lui seul la transition énergétique, France Hydrogène estime qu’il représentera 10 à 20 % de la consommation finale d’énergie mondiale en 2050. Il serait donc un atout de taille pour réussir à atteindre les objectifs français et européens de neutralité carbone en 2050. Cependant, pour réussir à faire sa place, l’hydrogène vert doit encore surmonter certains défis.
Le prix de l’électricité, un frein majeur au développement de l’hydrogène vert
Le premier enjeu est de taille : le prix de l’électricité. Ce prix est aujourd’hui le principal frein au développement de l’hydrogène vert.
Pour rappel, l’hydrogène est dit « vert » quand il est produit à partir d’électricité renouvelable ou nucléaire. La technologie de l’électrolyse permet de séparer une molécule d’eau en hydrogène et oxygène par un apport en électricité. Si l’électricité utilisée lors du processus est produite sans utiliser d’énergies fossiles, l’hydrogène est « vert ». À l’inverse de l’hydrogène « gris », produit à partir d’énergies fossiles.
En raison des contextes économique et géopolitique, les prix de l’électricité se sont envolés récemment. La solution serait, estime Philippe Boucly, de « sortir des prix du marché. Il faudrait mettre en place des contrats de long terme, avec une visibilité sur les prix de l’électricité dans la durée. » Une solution qui permettrait d’apporter de la stabilité au marché de l’hydrogène.
On manque d’électrolyseurs
Cependant, le prix de l’électricité n’est pas le seul obstacle à la production d’hydrogène vert. Cette production ne peut se faire sans électrolyseurs – l’appareil qui va permettre, justement, de produire de l’hydrogène vert par électrolyse.
Aujourd’hui, « très peu d’installations dépassent les 10 gigawatts dans le monde », estime Philippe Boucly. Des chiffres assez faibles, compte tenu des attentes très fortes qui pèsent sur la filière… et des promesses qui ont été faites. 360 gigawatts d’investissements avaient été annoncés au niveau mondial pour l’horizon 2030. En France, le Plan Hydrogène, annoncé en 2020, prévoit le déploiement de 6,5 gigawatts d’électrolyse d’ici à 2030.
Si certains projets sont en cours de développement sur le territoire national, comme le projet « Normand’Hy » d’Air Liquide (à Port-Jérôme, en Seine-Maritime), qui disposera d’une puissance de 0,2 gigawatts et qui devrait être mis en service en 2026, les promesses semblent bien loin d’être tenables.
Une situation que Philippe Boucly explique par « un passage à l’échelle qui n’est pas si simple » dans le domaine des électrolyseurs. France Hydrogène préconise d’ailleurs « des paliers de quelques dizaines de mégawatts ». Une approche peut-être plus réaliste du développement de l’hydrogène décarboné, mais qui ralentit la filière. Ce qui favorise également la poursuite de l’utilisation de l’hydrogène gris.
Si Philippe Boucly reconnaît qu’il a eu « trop d’espoirs sur les délais et une mauvaise appréciation du temps nécessaire pour que les choses évoluent », il explique aussi que « si on regarde le temps qu’ont mis les autres énergies à se faire une place sur le marché, cela se compte parfois en dizaines d’années. » Il faudrait donc laisser le temps à l’hydrogène vert, dont le développement est encore relativement récent, de se faire une place.
Une énergie encore loin d’être compétitive
Aujourd’hui, l’hydrogène vert coûte environ 70 € du mégawatt au consommateur. Pour qu’il soit compétitif, il devra atteindre les 40 € du mégawatt. La marge de progression reste énorme. Comme le résume Philippe Boucly : « Nous ne sommes qu’au début de l’affaire. »
Le développement de l’hydrogène vert est aujourd’hui largement soutenu par le gouvernement et l’Union Européenne. La sortie prochaine du document final du Plan Hydrogène révisé devrait d’ailleurs annoncer de nouvelles aides financières et mécanismes de soutien. Désormais, la question est de savoir si les aides et subventions tiendront jusqu’à ce que l’hydrogène vert soit compétitif. Une question cruciale pour la réussite de la transition énergétique.
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