«La décarbonation est une course contre la montre», prévient Benoit Bazin, directeur général de Saint-Gobain
Publié le 11/12/2023 2 minutes de lecture
Le directeur général de Saint-Gobain Benoit Bazin milite pour des investissements massifs dans la rénovation énergétique et une Europe davantage protectrice de son industrie.
Benoit Bazin, dans la tour Saint-Gobain à la Défense, le 10 octobre 2023.
L’Usine Nouvelle – Quelles sont vos perspectives cette année ?
Benoit Bazin – Saint-Gobain a démontré une très bonne performance au premier semestre. Dans un environnement plus compliqué, nous faisons preuve d’une résilience forte. Cela s’explique par notre périmètre qui a évolué d’un tiers depuis 2018. Nous avons cédé des activités éloignées de notre stratégie ou dont les marges étaient en dessous de nos attentes. Nous avons renforcé l’activité chimie de la construction, qui pèse 5,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, avec l’intégration de Chryso et GCP. Aujourd’hui, nous sommes coleader, derrière Sika, de ce gigantesque marché mondial de plus de 100 milliards d’euros en valeur. Nous avons aussi rééquilibré l’ensemble de notre portefeuille au profit de l’Amérique du Nord, de l’Asie et des pays émergents qui représentent 62% de notre résultat d’exploitation. C’est une évolution profonde de notre position géographique en cinq ans, avec les États-Unis, la France et l’Inde pour premiers marchés. Notre organisation par pays fonctionne très bien, cela responsabilise les directeurs nationaux, qui disposent de toutes les clés pour vendre des solutions complètes et adaptées.
Vous réclamez un plan Marshall pour la rénovation des bâtiments publics et privés. Êtes-vous entendu ?
Notre stratégie est d’être le leader mondial de la construction durable. Dans le neuf, nous sommes axés sur la construction légère, qui permet de diviser par plus de deux le poids carbone des matériaux tout en développant l’économie circulaire. La rénovation, notamment énergétique, représente 50% de nos ventes mondiales, voire 70% en Europe. C’est un axe clé. En Europe, rénover le bâti existant pourrait diviser par cinq ou six sa consommation énergétique. En France, le bâtiment représente 44% de l’énergie consommée, c’est plus que le parc nucléaire installé quand il fonctionne à plein. Alors oui, il faut un plan Marshall de la rénovation énergétique. La décarbonation est une course contre la montre. Il y a un besoin gigantesque d’énergie décarbonée, et nous ne sommes pas encore au niveau. Le transport et l’industrie ne peuvent pas s’en passer. Mais le bâtiment, lui, est un réservoir fantastique d’économies d’énergie.
Le secteur du bâtiment représente 40% des émissions de CO2. Comment se répartissent-elles ?
L’extraction des matières premières, la fabrication et le transport représentent 12% des émissions. Tout le reste est lié à l’usage du bâtiment. En France, on pourrait économiser sept tranches nucléaires en réduisant de 10% la consommation énergétique des bâtiments, sachant qu’il y a près de 5 millions de passoires thermiques. Le gouvernement a annoncé une hausse du budget de MaPrimeRenov’ de 1 à 5 milliards d’euros en 2024, nous avons été en partie entendus. Je me réjouis que le nouveau système favorise les rénovations globales, et plus les monogestes, tout en aidant en priorité les ménages modestes. Mais il n’y a rien sur le bâti et le logement dans France 2030. Avec 10 milliards d’euros par an sur dix ans, on pourrait rénover 500 000 passoires thermiques par an et économiser de l’énergie, contrairement au bouclier tarifaire qui a coûté 50 milliards d’euros sans distinction des bénéficiaires ni amélioration.
© Côme Sittler