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Décarbonation de l’industrie : quid du récupérateur de chaleur ?

Publié le 19/01/2023      4 minutes de lecture

Le récupérateur de chaleur, un levier de décarbonation sous-exploité ? Découvrez le principe, l’intérêt et le coût de cette installation dans l’industrie.

capteur de chaleur
Installation récupérateur ventilateur chaleur

Récupérateur de chaleur fatale dans l’industrie : principe, intérêt, cas concret et coût 

La réalisation d’installations de récupération de chaleur fatale fait partie des nombreux projets de décarbonation et de transition énergétique financés par le Fonds Chaleur de l’ADEME, et pour cause : il s’agit d’un levier largement sous-exploité pour améliorer l’efficacité énergétique des usines et contribuer à la décarbonation de l’industrie. Décryptage… 

Chaleur fatale : principe, exemples et état des lieux en France 

Dans l’industrie, les procédés de combustion, les réactions chimiques et le fonctionnement des machines et des équipements génèrent une chaleur qui finit par être rejetée dans l’environnement, sans être réutilisée ou convertie en énergie utile. C’est ce que l’on appelle la chaleur fatale. Techniquement, on distingue :  

  • La chaleur fatale à haute température, généralement supérieure à 100°C. Ce type de chaleur fatale est le plus intéressant dans le contexte de la transition énergétique et écologique de l’industrie, car elle peut être récupérée et réutilisée dans les processus ou pour produire de l’énergie ;  
  • La chaleur fatale à basse température, inférieure à 100°C, est beaucoup plus complexe (et moins rentable) à recycler en raison de sa faible qualité thermique.  

La chaleur fatale, de la sidérurgie aux centres de données informatiques 

Lorsque l’on parle de « chaleur fatale », on fait généralement référence à la chaleur fatale à haute température. On retrouve ce type de chaleur dans plusieurs configurations :  

  • Sidérurgie et métallurgie. La fusion des métaux produit une chaleur intense qui se retrouve le plus souvent dissipée dans l’air ambiant ou à travers les structures des équipements ; 
  • Fabrication de verre, céramique et ciment. Les fours industriels émettent une chaleur élevée que l’on perd à travers les gaz d’échappement et les surfaces extérieures des fours ; 
  • Centrales électriques thermiques. La chaleur générée par les combustibles fossiles est en grande partie perdue dans l’atmosphère ou rejetée dans les cours d’eau, via les tours de refroidissement ou les systèmes de refroidissement direct ; 
  • Industrie chimique. Les réactions exothermiques et le refroidissement nécessaire après ces réactions produisent de la chaleur dissipée par les systèmes de ventilation ou de refroidissement ; 
  • Centres de données et serveurs informatiques. Le refroidissement de ces équipements génère de la chaleur qui est généralement évacuée par des systèmes de climatisation ou des ventilateurs ; 
  • Réfrigération industrielle. Dans l’industrie agroalimentaire notamment, les systèmes de réfrigération dégagent de la chaleur dans l’environnement lors du processus de refroidissement, le plus souvent à travers des condenseurs et des échangeurs de chaleur. 

État des lieux de la chaleur fatale en France : un levier écologique sous-exploité 

Selon les données de l’ADEME reprises par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires, plus de 109.5 TWh de chaleur fatale sont rejetés chaque année dans l’industrie française. C’est l’équivalent de 36 % de la consommation de combustibles dans le secteur secondaire. Environ la moitié de cette chaleur fatale perdue dépasse les 100° C, ce qui en fait un levier écologique largement sous-exploité. 

A ce gisement viennent s’ajouter 8.4 TWh de chaleur fatale rejetée au niveau des Usines d’Incinération des Ordures Ménagères (UIOM), des Stations d’Épuration des Eaux Usées (STEP) et des Data Centers.  

Enfin, environ 17.6 TWh de chaleur fatale à plus de 60° C est identifiée à forte proximité d’un réseau de chaleur existant, ce qui facilite techniquement sa récupération et sa réutilisation, par exemple pour la distribuer aux bâtiments résidentiels ou commerciaux avoisinants. 

Chaleur fatale industrielle : le point sur la réglementation européenne 

La valorisation de la chaleur fatale figure dans la directive européenne 2012/27/UE, qui impose la réalisation d’une analyse coûts – avantages au niveau des installations de plus de 20 MW émettant de la chaleur fatale et situés à proximité d’un réseau de chaleur.  

Cette étude doit statuer sur la pertinence et la viabilité économique de la récupération et de l’injection de cette chaleur perdue dans le réseau. 

En France, ces dispositions ont été traduites par le décret n°2014 – 1363 du 14 novembre 2014 et l’arrêté du 9 décembre 2014. Un arrêté paru le 3 août 2018 est venu préciser le contenu de l’analyse coûts – avantages ainsi que les catégories d’installations visées.  

Qu’est-ce qu’un récupérateur de chaleur fatale ? 

Comme son nom l’indique, le récupérateur de chaleur est un système plus ou moins complexe qui capte la chaleur perdue dans les processus industriels et/ou les systèmes de chauffage et de climatisation pour la réutiliser.  

La chaleur récupérée provient généralement des gaz d’échappement, des processus de combustion, des réactions chimiques ou, plus fréquemment dans un contexte industriel, du fonctionnement des machines. 

On compte plus d’une dizaine de récupérateurs de chaleur. Voici les plus courants :  

  • Échangeurs de chaleur à plaques. C’est, de loin, le type de récupérateur de chaleur le plus utilisé. Les échangeurs à plaques transfèrent la chaleur entre deux fluides et sont, à ce titre, particulièrement efficaces dans les industries alimentaires, laitières et chimiques ; 
  • Échangeurs de chaleur à tubes et coquilles. On les retrouve essentiellement dans le secteur pétrochimique et dans la production d’énergie. Ce type de récupérateur de chaleur est particulièrement adapté aux températures et pressions élevées ; 
  • Récupérateurs de chaleur des gaz d’échappement. Ils sont généralement installés dans les systèmes d’échappement des processus de combustion, par exemple dans les centrales électriques, afin de récupérer la chaleur des gaz de combustion ; 
  • Récupérateurs de chaleur rotatifs. Ils embarquent un tambour rotatif qui transfère la chaleur entre les flux entrant et sortant. On les retrouve dans les applications qui nécessitent un transfert de chaleur entre de grands volumes d’air, notamment les systèmes de ventilation des bâtiments industriels ; 
  • Pompes à chaleur. Elles captent la chaleur à basse température de l’environnement (air, eau, sol) et l’élèvent à une température plus élevée. La pompe à chaleur est donc un modèle « réduit » de récupérateur de chaleur industriel que l’on retrouve dans les bâtiments résidentiels et commerciaux. 

Le fonctionnement du récupérateur de chaleur repose sur le principe physique de transfert de chaleur entre deux fluides sans contact direct.  

Par exemple, dans un échangeur de chaleur à plaques, la chaleur des gaz d’échappement ou d’un fluide chaud est transférée à travers des plaques métalliques à un second fluide (de l’eau ou de l’air) sans que les deux fluides ne se mélangent. Cette chaleur récupérée peut ensuite être utilisée pour le chauffage de locaux, la production d’eau chaude, ou comme apport énergétique dans d’autres processus industriels. Objectif : améliorer l’efficacité énergétique globale de l’usine. 

Cas concret : le récupérateur de chaleur du site ArcelorMittal de Saint-Chély-d’Apcher 

Lancé en 1917 à Saint-Chély-d’Apcher, commune située dans le nord-ouest de la Lozère, le site d’ArcelorMittal est encore aujourd’hui la seule unité française d’acier électrique à grain non-orienté, un métal qui doit être chauffé à plus de 1 000° C pour acquérir ses propriétés magnétiques. 

Pour ne plus perdre cette chaleur à fort potentiel recyclable, l’usine a installé un système de récupération de chaleur pour couvrir les besoins de ses processus industriels, chauffer une partie de ses locaux et même alimenter le réseau de chaleur local pour produire du chauffage urbain. 

Objectifs du projet et solution retenue 

L’ADEME a documenté ce projet d’envergure. Synthèse :  

  • Objectif : développer une production et une consommation énergétiques plus responsables et cohérentes avec l’activité de l’entreprise ; 
  • Solution retenue : la récupération de chaleur fatale ;  
  • Le dispositif retenu : mise en place de deux systèmes de refroidissement (un système lent par contact avec l’air et un système rapide par contact avec l’eau). 

Le projet en quelques chiffres 

  • Un réseau d’eau chaude basse pression de 925 mètres linéaires a été développé, avec une puissance de 6 300 kW ; 
  • 12 GWh d’énergie sont récupérés chaque année, avec un excellent rendement énergétique ; 
  • 9 GWh sont utilisés par l’usine, et 3 GWh par la ville, pour éviter l’utilisation de la chaleur au fioul pendant les pointes de consommation en hiver ; 
  • La chaleur récupérée par la collectivité répond aux besoins de 1 150 logements à Saint-Chély-d’Apcher) ; 
  • Durée des travaux : 18 mois ; 
  • Mise en service : octobre 2017. 

Ce projet de récupération de chaleur a coûté 5,6 millions d’euros et a bénéficié des aides suivantes :  

  • 1,4 million d’euros du Fonds Chaleur de l’ADEME ; 
  • 650 000 euros de la Région Occitanie. 

Bilan du projet 

Sur le plan énergétique, le projet est une grande réussite, dans la mesure où il permet de réduire l’empreinte environnementale de l’usine tout en alimentant la ville pour chauffer l’équivalent de 1 150 logements. 

Au niveau écologique, ce récupérateur de chaleur a permis d’éviter le rejet de plus de 4 000 tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Le bilan carbone de l’usine a été amélioré de 17 GWh par an. 

Enfin, ce projet a permis de pérenniser les emplois dans un département où ArcelorMittal est le premier employeur industriel. 

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter le reportage vidéo de l’ADEME. 

    Le lexique de la récupération de chaleur fatale 

    Bilan Thermique  

    Analyse détaillée de la production, de l’utilisation et de la perte de chaleur dans un processus industriel. Ce bilan aide à identifier les points où la chaleur peut être récupérée et réutilisée de manière efficace. 

    Chaleur fatale  

    Chaleur générée comme sous-produit de processus industriels comme la combustion, les réactions chimiques et les opérations mécaniques, et qui est habituellement dissipée dans l’environnement sans être utilisée. Cette chaleur peut être à haute ou basse température et représente une opportunité d’amélioration de l’efficacité énergétique lorsqu’elle est récupérée. 

    Cogénération  

    Technique de production d’énergie qui combine la génération d’électricité et la production de chaleur utile en un seul processus intégré. Cela permet une utilisation plus efficace de l’énergie primaire, réduisant les pertes énergétiques et augmentant l’efficacité globale. 

    Échangeur de chaleur  

    Dispositif conçu pour transférer efficacement la chaleur d’un fluide (gaz ou liquide) à un autre, sans les mélanger. Ce système permet de récupérer la chaleur des flux de déchets et de la transférer à des flux utiles. 

    Flux de chaleur  

    Mesure de la quantité de chaleur transférée dans un système, exprimée en termes de puissance (Watts, Kilowatts, etc.). C’est un paramètre important dans la conception et l’évaluation des systèmes de récupération de chaleur. 

    Intégration systémique  

    Processus de conception et d’installation d’un système de récupération de chaleur de manière à ce qu’il s’intègre harmonieusement dans l’infrastructure et les opérations existantes de l’usine, en minimisant les perturbations et en maximisant l’efficacité. 

    Pompe à chaleur  

    Dispositif qui extrait la chaleur de sources à basse température pour la faire monter à une température plus élevée à l’aide d’un cycle thermodynamique. Utilisées dans la récupération de chaleur, elles permettent d’utiliser des sources de chaleur à basse énergie, comme l’air ambiant ou l’eau, typiquement pour chauffer ou refroidir des bâtiments ou des locaux. 

    Récupérateur de chaleur sur gaz d’échappement  

    Système qui récupère la chaleur des gaz d’échappement des processus industriels comme les fours, les chaudières et les moteurs. 

    Rendement thermique  

    Indicateur de l’efficacité avec laquelle la chaleur récupérée est convertie en énergie utilisable. Le rendement thermique est calculé en divisant l’énergie récupérée par l’énergie totale disponible et est exprimé en pourcentage. 

    Réseau de chaleur  

    Système de tuyauterie et de distribution conçu pour transporter la chaleur, généralement sous forme d’eau chaude ou de vapeur, de la source de production à plusieurs utilisateurs finaux. Ces réseaux permettent de distribuer efficacement la chaleur récupérée à grande échelle. 

    Température de rosée  

    Température à laquelle l’humidité présente dans les gaz d’échappement ou d’autres flux gazeux commence à se condenser en eau. Cette considération est importante dans la conception du récupérateur de chaleur pour prévenir la corrosion et optimiser le transfert de chaleur. 

    Valorisation énergétique  

    Processus de conversion de la chaleur récupérée en énergie utile, comme l’électricité ou le chauffage.  

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