Compensation carbone : un levier RSE pour les entreprises
Publié le 12/01/2024 4 minutes de lecture
Qualifiée de solution ultime par certains, et de prétexte au Greenwashing par d’autres, la compensation carbone fait un retour en grâce en France.
Compensation carbone : comment actionner ce levier RSE pour les entreprises ?
Née dans les années 1990, la compensation carbone s’est développée sous l’impulsion du GIEC pour apporter aux entreprises et aux collectivités une solution de décarbonation économiquement viable et les embarquer dans l’effort de lutte contre le réchauffement climatique.
Elle s’est toutefois rapidement heurtée à des défis de régulation, de perception et d’efficacité, se transformant progressivement en instrument de Greenwashing. Le lancement du label bas carbone en 2018 marquera un tournant décisif pour ce levier désormais porté par l’ADEME. Décryptage…
Qu’est-ce que la compensation carbone ?
Le postulat de départ est simple : en théorie, une tonne de gaz à effet de serre (GES) a le même impact sur le climat, quel que soit le lieu de son émission. Par conséquent, réduire l’émission des GES « chez soi » ou ailleurs procure le même « bénéfice », toutes choses étant égales par ailleurs.
La compensation carbone désigne donc une action volontaire, initiée par un particulier, une entreprise ou une collectivité, qui consiste à financer un projet de réduction (ou de séquestration) des émissions des gaz à effet de serre.
Malgré son principe finalement assez basique, la compensation carbone dans son acceptation moderne est étonnamment récente. L’ADEME date son « invention » au début des années 1990, dans un contexte où le GIEC, créé en 1988 par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), souhaitait rendre la lutte contre le réchauffement climatique viable sur le plan économique pour embarquer les entreprises et les collectivités.
Il faut dire que l’intérêt pour ces acteurs est évident : dans certains cas, il est techniquement impossible (ou très coûteux) de réduire ses propres émissions de gaz à effet de serre. En permettant de « délocaliser » la réduction ou la séquestration, la compensation carbone maintient les entreprises et les collectivités dans l’effort de lutte contre le réchauffement climatique.
Compensation carbone : un levier utile… mais attention aux dérives
La compensation carbone a souvent été présentée comme une solution miracle pour embarquer les grandes entreprises, les collectivités et les pays du Nord dans la baisse des émissions de gaz à effet de serre.
D’ailleurs, l’engouement était prometteur au milieu des années 1990, dans le sillage de la Troisième Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (COP3), plus connue sous le nom de Conférence de Kyoto (décembre 1997).
Mais le manque de régulation et de contrôle sur les projets, l’absence de normes universelles ainsi que la mauvaise publicité faite aux entreprises adeptes de la compensation carbone auront raison de cette initiative.
« La compensation a périodiquement été présentée comme un outil miracle pour la lutte contre le changement climatique et l’aide au développement ou, au contraire, décriée comme une manière facile de ne pas avoir à faire trop d’efforts soi-même, en s’achetant à bas prix une bonne conscience climatique. » Communiqué de presse de l’Agence de la transition écologique (ADEME) |
Il faudra attendre la fin des années 2010 pour voir les projets de compensation carbone initiés par les entreprises revenir sur les devants de la scène. Trois raisons expliquent cette dynamique :
- Le poids de plus en plus important des critères RSE dans le processus de sélection des fournisseurs et prestataires par les comités d’achat ;
- Le durcissement de la législation sur le bilan et l’empreinte carbone des entreprises, puisque de nombreuses mesures autrefois volontaires et frappées du sceau de la RSE sont devenues des obligations légales. Par exemple, la loi Grenelle (2010) impose aux entreprises de plus de 250 salariés de réaliser un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre tous les quatre ans (trois ans pour les acteurs publics). Citons également la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015) qui impose aux entreprises de taille intermédiaire et aux grandes entreprises de réaliser un reporting environnemental ;
- Et, surtout, la création du label bas carbone en 2018 qui vient neutraliser le risque de « bad buzz » pour les entreprises qui souhaitent compenser une partie de leurs émissions de GES.
Le label bas carbone : le garde-fou des projets de compensation carbone
Pilier de la Stratégie Nationale Bas-Carbone, le label bas carbone fait partie des outils mis à disposition par l’Etat pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, encourager le recours à des puits de carbone pour soustraire le CO2 de ces émissions et atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.
Le label bas carbone est avant tout un label de compensation carbone qui certifie des projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre selon une méthode approuvée. « Ce label ne certifie ni des marques, ni des produits ou services, ni des entreprises », précise le ministère de la Transition énergétique.
Pour jouer son rôle de garde-fou des projets de compensation carbone, notamment auprès des entreprises, le label bas carbone introduit un certain nombre de mesures inédites au monde :
- La compensation carbone n’est considérée en tant que telle que si le projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre est réalisé en France… pas par chauvinisme, mais pour s’assurer de la qualité et de la rigueur du suivi, du contrôle et de la conformité du projet. Les détracteurs de la compensation carbone évoquaient souvent (et légitimement) l’exemple des plantations d’arbres dans les forêts en Amérique du Sud pour compenser les émissions de GES des grands groupes industriels européens, asiatique ou nord-américains. Ces projets n’étaient ni traçables, ni conformes aux méthodes approuvées, et s’inscrivaient le plus souvent dans une logique de Greenwashing ;
- Désormais, les projets de compensation carbone seront vérifiés au niveau de l’Etat pour éviter les dérives du Greenwashing. Ce contrôle au plus haut niveau prévu par le label bas carbone est une réponse direct au scandale des projets de compensation carbone certifiés Verra, qui se sont avérés « fictifs » à hauteur de 96.5 % (voir l’édition du 29 janvier 2023 du journal Le Monde) ;
- En restreignant les projets de compensation carbone au territoire national (territoires ultra-marins compris), le label bas carbone contribue à la dynamisation de l’économie des territoires.
Si les entreprises ne se sont pas encore véritablement saisies de ce levier RSE, le label bas carbone a connu un engouement prometteur, notamment auprès des acteurs de l’agriculture et des forêts. Citons également la présence du label dans les projets associés aux JO de Paris de 2024.
Compensation carbone en entreprise : les 5 règles d’or de l’ADEME
Pour encourager les entreprises à adopter la compensation carbone volontaire et en tirer profit dans leurs efforts RSE, l’ADEME a dévoilé 5 bonnes pratiques pour « le développement d’une compensation carbone utile, sincère et fiable ».
Règle n°1 : montrer patte blanche, et faire le maximum avant la compensation
Les entreprises qui souhaitent financer des projets de compensation carbone doivent montrer qu’elles déploient une volonté raisonnable et des efforts concrets pour éviter ou réduire leurs propres émissions de gaz à effet de serre, selon le principe de séquencement « Éviter – Réduire – Compenser » :
- Éviter les émissions inutiles : repenser les processus pour éviter les émissions dès le départ (par exemple : achats responsables, meilleure gestion des déchets, économie circulaire, etc.) ;
- Réduire les émissions restantes : améliorer l’efficacité opérationnelle et réduire les émissions résiduelles (sobriété énergétique, par exemple) ;
- Compenser les émissions inévitables : financer des projets de compensation carbone externes et conformes au label bas carbone une fois que les efforts d’évitement et de réduction ont été maximisés.
Règle n°2 : investir dans des projets de compensation de carbone labellisés
Les entreprises doivent être en mesure de s’assurer que chaque euro investi pour compenser les émissions de GES contribue réellement à la lutte contre le réchauffement climatique et au développement durable. Pour cela, elles doivent choisir exclusivement des projets labellisés, car ils présentent des garanties solides et vérifiables.
En France, il s’agira d’opter pour des projets de compensation validés par le label bas carbone. Le site du ministère de la Transition Écologique dresse une liste exhaustive de l’ensemble des projets labellisés, mise à jour tous les 15 jours.
Les entreprises qui choisissent de s’engager dans des projets de compensation carbone à l’international peuvent s’orienter vers le Mécanisme de Développement Propre (MDP) ou la Mise en Œuvre Conjointe (MOC), tous deux issus du Protocole de Kyoto. Ces systèmes assurent que les projets dits « offshore » respectent des normes strictes de réduction des émissions de gaz à effet de serre tout en contribuant au développement durable dans les pays hôtes.
Le Mécanisme de Développement Propre, par exemple, permet aux entreprises d’investir dans des projets de réduction d’émissions dans les pays en développement. Ces projets doivent démontrer une « additionnalité » claire, c’est-à-dire qu’ils ne seraient pas réalisables sans l’investissement externe apporté par l’entreprise.
On parle essentiellement des projets de reforestation, de développement d’énergies renouvelables ou d’amélioration de l’efficacité énergétique. Les crédits carbone générés sont quantifiables et vérifiables. La Mise en Œuvre Conjointe est quant à elle adaptée à des projets entre pays industrialisés.
En plus de ces mécanismes réglementés, les entreprises peuvent également se tourner vers des standards ou labels internationaux volontaires comme le Gold Standard ou le VCS (Verified Carbon Standard).
Ces labels apportent une garantie supplémentaire sur la qualité des projets de compensation, avec des critères stricts sur la réduction des émissions mais aussi sur les retombées positives pour les populations locales et l’environnement. Par exemple, un projet labellisé Gold Standard en Asie du Sud ou en Afrique de l’Est pourrait impliquer le développement, la mise en marche et l’exploitation d’une ferme solaire qui réduit les émissions tout en apportant de l’énergie propre aux villages avoisinants et en créant des emplois.
Règle n°3 : opter pour des projets de compensation orientés « développement durable »
La compensation carbone reste le principal dessein du projet. Mais s’il intègre une dimension de développement durable, c’est encore mieux. « L’ADEME préconise de les privilégier ».
Prenons l’exemple d’un projet de reforestation. Pour qu’il soit durable, il ne doit pas se limiter à planter des arbres pour absorber le dioxyde de carbone. Il devra également intégrer des pratiques de gestion forestière durable, soutenir la biodiversité locale et impliquer activement les populations locales. Concrètement, le projet pourra par exemple planter des espèces d’arbres indigènes, former les populations locales à la gestion forestière et à la protection de l’environnement et créer des emplois liés à la surveillance et à l’entretien des zones reboisées.
Dans la même logique, un projet de biogaz dans une région agricole sera durable s’il réduit les émissions de méthane en traitant les déchets agricoles, mais aussi en fournissant aux agriculteurs locaux une source d’énergie renouvelable, en réduisant la pollution des eaux de surface et en stimulant la création d’emploi au niveau local, par exemple dans la construction et la maintenance des installations de biogaz.
Règle n°4 : trouver le juste équilibre entre les projets locaux et internationaux
L’enjeu ici est de trouver la bonne combinaison entre le soutien aux initiatives locales, qui favorisent la transition écologique en France, et l’engagement dans des projets internationaux, souvent situés dans des pays en développement où les besoins en matière de lutte contre le changement climatique et de développement durable sont pressants.
« L’ADEME préconise de soutenir conjointement des projets locaux et des projets internationaux, de manière à ce que le développement de projets sur le territoire national ne se traduise pas par une forme d’abandon du soutien dont ont besoin les pays plus pauvres, tant en termes de lutte contre le changement climatique que d’aide au développement ».
Règle n°5 : une communication responsable autour des projets de compensation
L’ADEME recommande d’encadrer la communication autour de ces projets par la norme ISO 14021 relative aux autodéclarations environnementales, c’est-à-dire sans recours à la vérification indépendante de tiers. Elle se base sur quatre critères :
- Vérifiabilité : toutes les déclarations doivent être fondées sur des informations vérifiables ;
- Précision : les déclarations ne doivent pas induire le consommateur en erreur et doivent être claires et précises ;
- Éviter l’ambiguïté, qui se traduit par des qualificatifs vagues comme « écologique » ou « respectueux de l’environnement », sans fournir de contexte spécifique ;
- Base scientifique : les affirmations doivent être basées sur des méthodologies scientifiques reconnues.
Pour aller plus loin, les décideurs peuvent explorer les différents outils proposés par l’ADEME pour le lancement des projets de compensation carbone.
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