Transition énergétique : les collectivités osent la centrale biomasse
Publié le 03/11/2023 4 minutes de lecture
Dans le cadre de leur transition énergétique, de plus en plus de collectivités font le choix de la centrale biomasse, une solution économiquement viable pour se décarboner.
Transition énergétique : les collectivités osent la centrale biomasse !
À l’intersection de la technologie et de la gestion responsable des ressources, les centrales biomasse suscitent l’engouement des collectivités dans le cadre de leurs efforts de décarbonation. Ces infrastructures, neutres sur le plan des émissions de CO2 et éligibles aux aides du fonds Chaleur de l’ADEME, valorisent les matières organiques animale et végétale pour produire de l’électricité et de la chaleur. Décryptage…
Biomasse : de quoi parle-t-on exactement ?
La biomasse désigne tout simplement la matière organique d’origine végétale, animale ou microbienne que l’on peut convertir plus ou moins facilement en énergie. Ces matières proviennent principalement de la photosynthèse, processus par lequel les plantes captent l’énergie solaire et la transforment en matière organique. On parle notamment du bois, mais aussi des résidus agricoles, des déchets ménagers organiques, des algues ou encore des effluents d’élevage.
Si la biomasse est une source de plus en plus privilégiée dans le cadre de la transition énergétique, c’est d’abord grâce à sa capacité à stocker l’énergie solaire sous forme chimique. Lorsque la matière est transformée ou brûlée, elle libère l’énergie emmagasinée, ce qui permet en output de produire de la chaleur, de l’électricité ou des biocarburants.
Pour l’Homme, le bois est la forme de biomasse la plus « historique », dans la mesure où il a servi (et continue de servir) de combustible bon marché pour le chauffage, la cuisson des aliments et éventuellement la forge. L’essor de l’industrie et la découverte des énergies fossiles a progressivement supplanté le bois, mais les impératifs environnementaux ont redonné à la biomasse ses lettres de noblesse et suscitant un regain d’intérêt pour son utilisation.
Qu’est-ce qu’une centrale biomasse ?
Avec la centrale solaire thermique, la centrale biomasse est sans doute l’installation qui suscite le plus d’engouement de la part des élus locaux qui souhaitent stimuler la transition écologique de leur collectivité.
En l’espèce, la centrale biomasse est une installation industrielle destinée à produire de l’électricité et de la chaleur à partir de la combustion d’une biomasse issue de matière organique, animale et végétale : bois sous forme de plaquettes, de bûche ou de granulés, résidus agricoles comme la paille et les coques, les déchets organiques (déchets ménagers, effluents d’élevage), cultures de plantes à fort rendement énergétique comme le miscanthus ou le switchgrass, etc.
La chaleur produite à la combustion de cette biomasse est utilisée pour produire de la vapeur d’eau qui sera mise sous pression pour actionner une turbine reliée à un générateur produisant de l’électricité. On compte globalement trois grands types de centrales biomasse :
- Centrales à combustion directe : c’est la technologie biomasse la plus courante. Elle consiste à brûler directement la matière organique dans une chaudière pour produire de la vapeur ;
- Centrales à gazéification : ici, la biomasse est transformée en gaz combustible par un processus de gazéification. Ce gaz est ensuite brûlé pour produire de l’électricité ;
- Centrales à cogénération : c’est la technologie biomasse la plus prisée par les collectivités. Ces installations produisent à la fois de l’électricité et de la chaleur utile, optimisant ainsi l’efficacité énergétique en valorisant au maximum la chaleur produite.
Le principal avantage des centrales biomasse est évidemment leur caractère renouvelable. Contrairement aux énergies fossiles, la combustion de la biomasse est neutre en termes d’émissions de dioxyde de carbone (CO2), car ce qui est libéré lors de la combustion a été précédemment capté par les plantes lors de leur croissance. C’est donc une technologie qui s’aligne avec l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 prévu par la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) dans le cadre de la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV).
Centrale biomasse en collectivité : quelques points de vigilance s’imposent
La transition vers une énergie renouvelable comme la biomasse est une initiative qui s’inscrit dans la volonté des collectivités de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de limiter leur dépendance aux énergies fossiles.
Mais la mise en place d’une centrale biomasse à grande échelle doit s’accompagner de plusieurs mesures de précaution et d’une gestion rigoureuse des ressources pour éviter certains écueils environnementaux et sociétaux, à commencer par le sourcing de la biomasse.
#1 Le sourcing de la biomasse et le risque de déforestation
Une exploitation excessive des forêts par la collectivité, sans un plan de reforestation approprié, menace la pérennité des forêts et réduit leur capacité à agir comme des puits de carbone. Par ailleurs, l’abattage non contrôlé peut perturber l’équilibre des écosystèmes locaux, affectant ainsi la faune, la flore et les ressources en eau.
#2 La concurrence entre les cultures énergétiques et les cultures alimentaires
Les cultures énergétiques utilisées pour la production de biomasse peuvent entrer en concurrence avec les cultures alimentaires, mettant ainsi en danger la sécurité alimentaire de la région, d’autant plus dans les zones où les ressources agricoles sont déjà limitées.
Pour pallier ce risque, les collectivités doivent mettre en place une planification agricole stratégique, en privilégiant par exemple l’utilisation de terres marginales ou moins productives pour les cultures énergétiques. La concertation avec les acteurs locaux et les agriculteurs est indispensable pour assurer un équilibre entre les besoins énergétiques et alimentaires.
#3 La question de la qualité de l’air et de l’eau
Même si la combustion de la biomasse est souvent considérée comme neutre en termes d’émissions de carbone, le processus peut libérer quelques polluants. Les collectivités doivent donc veiller à mettre en place des systèmes efficaces de contrôle des émissions pour protéger la qualité de l’air local.
La question de l’eau est aussi primordiale. Certaines formes de biomasse, notamment les cultures énergétiques basées sur des plantes à haut rendement, peuvent nécessiter des quantités importantes d’eau. Dans certaines régions, cette consommation peut devenir problématique, surtout si elle vient concurrencer d’autres besoins essentiels, ou encore dans un contexte de sécheresse.
Enfin, les répercussions sociales et foncières ne doivent pas être sous-estimées. L’affectation de terres à la culture ou à l’exploitation de la biomasse pourrait en effet engendrer des tensions dans les zones rurales, où l’agriculture et l’élevage sont profondément ancrés. Cette reconversion pourrait perturber les activités agricoles traditionnelles et les populations qui en dépendent. La collectivité doit donc faire en sorte que toute initiative visant à développer la biomasse se fasse en concertation avec les acteurs locaux, respectant ainsi les droits fonciers et limitant au maximum les bouleversements sociaux.
La centrale biomasse à cogénération : la solution la plus prisée par les collectivités
Comme vous allez le constater dans la suite, c’est la technologie de la cogénération qui suscite le plus d’engouement de la part des villes et des municipalités, essentiellement pour son efficacité et sa polyvalence.
La cogénération permet en effet de produire simultanément de l’électricité et de la chaleur. Rappelons que cette dernière serait autrement perdue dans une centrale électrique traditionnelle. Dans le cas d’une centrale biomasse de cogénération, elle sera valorisée pour les besoins locaux, notamment pour le chauffage urbain (réseaux de chaleur qui desservent des habitations, des bâtiments publics, des entreprises, etc.) ou pour des applications industrielles à proximité… une application intéressante dans la volonté de réindustrialiser nos territoires.
C’est donc une solution particulièrement adaptée aux climats froids ou tempérés, où la demande de chauffage est importante. Notons également que la mise en place d’une centrale à cogénération dans la collectivité favorise la coopération locale impliquant différentes parties prenantes (citoyens, entreprises, administrations) dans une dynamique de développement durable et d’efficacité énergétique. C’est un projet fédérateur qui participe à la cohésion et à l’aménagement des territoires au service du grand défi climatique.
A quoi ressemble une centrale biomasse en collectivité ?
Une centrale biomasse adaptée à l’échelle d’une collectivité (petit à moyenne) va nécessiter une surface de quelques hectares (2 à 5 ha en moyenne) pour les installations principales, sans compter les surfaces nécessaires pour la culture ou le stockage de la biomasse.
Pour une ville de taille moyenne, on pourrait envisager une capacité de production comprise entre 5 et 20 MW. Pour donner un ordre de grandeur, une centrale biomasse de 10 MW peut alimenter près de 10 000 foyers en électricité.
Le coût de l’investissement va forcément varier en fonction de la taille, de la capacité et de la technologie choisie, mais on peut avancer un investissement initial compris entre 3 et 10 millions d’euros, selon la complexité du projet.
La production d’électricité est généralement le principal output, à moins d’opter pour une centrale biomasse à cogénération comme expliqué plus haut pour fournir de la chaleur pour le chauffage urbain ou pour des processus industriels locaux. Côté équipement, il faudra prévoir :
- La chaudière, qui est l’élément central où la combustion de la biomasse a lieu ;
- La turbine à vapeur, qui convertit la chaleur en mouvement, puis en électricité ;
- Le système de refroidissement, nécessaire pour condenser la vapeur en eau ;
- Le système de traitement des fumées, pour filtrer et traiter les émissions avant leur rejet dans l’atmosphère ;
- L’aire de stockage pour la biomasse prête à être utilisée ;
- Les systèmes de contrôle et de sécurité pour assurer une exploitation sûre et efficiente de la centrale biomasse.
Le projet devra prévoir une bonne accessibilité pour la livraison régulière de la biomasse, ainsi qu’un plan de gestion durable des intrants. Les agriculteurs, les entreprises forestières et, plus largement, les parties prenantes locales doivent être intégrées au projet.
Centrale biomasse : ces collectivités qui ont sauté le pas
En France, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à s’équiper d’une centrale biomasse pour cinq principales raisons selon l’ADEME :
- C’est une ressource de proximité pour les projets collectifs ;
- C’est une contribution positive à l’économie locale, avec des emplois non délocalisables ;
- C’est une infrastructure neutre en matière d’émissions de gaz à effet de serre ;
- Les coûts sont clairs et visibles, car le bois n’a pas la volatilité des cours des sources d’énergie fossiles ;
- La technologie de la centrale biomasse est éprouvée, avec un haut rendement énergétique et environnemental.
Retour sur quelques success stories de collectivités qui ont misé sur la biomasse dans leurs efforts de transition énergétique :
- Implantée à Grand-Couronne sur 2.5 ha, la centrale biomasse à cogénération du port de Rouen a été mise en service en octobre 2011 et alimente les alentours en électricité renouvelable ainsi que l’usine voisine de production d’huile et de biodiesel en vapeur ;
- Du côté de Metz, la centrale biomasse de l’Usine d’électricité utilise des plaquettes de bois non exploitables ailleurs, fournies par l’Office National des Forêts et une coopérative de forestiers privés. Cette installation alimente la ville avec un réseau qui s’étend sur 100 km, desservant notamment le centre Pompidou, l’hôpital de Mercy, le stade Saint-Symphorien, la piscine Lothaire et deux quartiers résidentiels ;
- La Ville de Lens a implanté sur son territoire une centrale biomasse à cogénération sur une surface de 2 500 m² pour alimenter le réseau de chaleur du quartier de la Grande Résidence et de quelques établissements publics (pour 6 000 habitants) ;
- La Ville d’Orléans compte deux centrales biomasse permettant d’alimenter plus de 25 000 logements.
Comment financer une centrale biomasse dans ma collectivité ?
Créé en 2009 et géré par l’ADEME, le fonds Chaleur est l’outil privilégié pour financer les grands projets de transition énergétique pour les collectivités, les entreprises et les acteurs de l’habitat collectif.
En plus de fournir une aide financière, l’ADEME propose un soutien technique aux porteurs de projets pour assurer la réussite de leur initiative. Pour aller plus loin, consultez notre dossier sur le fonds Chaleur.