Collectivité : biogaz, méthanisation et valorisation des déchets
Publié le 04/12/2023 4 minutes de lecture
Le biogaz est un type de bioénergie qui se forme lorsque la matière organique est décomposée par des micro-organismes en l’absence d’oxygène.
Biogaz, méthanisation et valorisation des déchets des collectivités : le guide pratique de l’élu
Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas. Mais à l’échelle de la collectivité territoriale, cette mesure de prévention ne s’applique qu’à une certaine mesure, car il y a forcément un volume incompressible de déchets organiques liés à l’activité humaine, à l’agriculture, à l’industrie agroalimentaire, etc.
Et lorsqu’il n’est plus possible de les limiter, ces déchets organiques doivent se transformer en intrants pour servir de ressource, notamment à travers le processus de méthanisation qui les transforme en biogaz, une énergie renouvelable prometteuse.
Objectif : générer de l’électricité verte, chauffer des bâtiments, alimenter les véhicules et créer une nouvelle dynamique économique locale. Certaines collectivités pionnières ont déjà sauté le pas. Décryptage…
Biogaz et méthanisation : de quoi parle-t-on ?
Le biogaz est un type de bioénergie qui se forme lorsque la matière organique est décomposée par des micro-organismes en l’absence d’oxygène, à travers un processus de méthanisation anaérobie.
Il se compose à hauteur de 50 à 75 % de méthane (CH4), de dioxyde de carbone (CO2), de vapeur d’eau, d’hydrogène sulfureux (H2S) et de traces d’autres gaz comme l’azote, l’hydrogène, l’oxygène, des composés soufrés, des siloxanes et, parfois, des gaz rares. La composition exacte du biogaz dépend de la source de la matière organique et des conditions du processus de méthanisation.
S’il fait l’actualité en France depuis la fin des années 2010, c’est que le biogaz fait l’objet d’une campagne de sensibilisation de la part de l’ADEME et des acteurs associatifs engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le biogaz est en effet un vecteur d’énergie polyvalent qui peut être utilisé pour la production combinée de chaleur et d’électricité (cogénération), le chauffage, ou comme carburant après épuration en biométhane.
Son utilisation contribue logiquement à la réduction de la dépendance aux énergies fossiles et à la lutte contre le réchauffement climatique grâce à la valorisation des déchets organiques et à la réduction des émissions de méthane, un gaz à effet de serre bien plus puissant que le CO2 sur une période de 100 ans.
Le biogaz peut être capturé et utilisé directement dans des installations de production d’énergie sur le site de production ou être épuré pour éliminer les impuretés et améliorer ainsi son pouvoir calorifique et sa compatibilité avec les infrastructures de gaz naturel existantes. Le biogaz épuré, connu sous le nom de biométhane, peut être directement injecté dans le réseau de distribution de gaz naturel ou utilisé dans les transports comme alternative au diesel et à l’essence.
La courte histoire du biogaz en France
L’invention et la découverte du biogaz remontent au 18e siècle, lorsqu’un certain Alessandro Volta observa pour la première fois un gaz inflammable s’échapper des marais, qu’il identifia plus tard comme étant du méthane (1776).
Peu après, Antoine Lavoisier étudia ce gaz, qu’il nomma « Gas Hidrogenium Carbonatrum » en raison de sa composition chimique. Humphry Davy découvrit ce gaz dans le lisier en 1808, et le terme « méthane » fut officiellement adopté en 1865.
Ce n’est qu’à la fin du 19e siècle que les applications pratiques de la méthanisation pour la gestion des eaux usées et des effluents d’élevage commencèrent à être développées, avec l’invention de la fosse septique par Louis Mouras en 1881 et des améliorations apportées en Grande-Bretagne, qui ont conduit à l’utilisation du biogaz pour l’éclairage public à Exeter en 1895.
Le biogaz à partir du « gaz de fumier » a été exploré en 1884 par Ulysse Gayon, qui a reconnu son potentiel énergétique. Mais il faudra attendre les années 1930 pour que le biogaz agricole commence véritablement à être exploité grâce aux efforts de Marcel Isman et Gilbert Ducellier, qui ont conçu un digesteur breveté. La cuisinière GAZELLE, qui fonctionnait au gaz de fumier, est d’ailleurs la conséquence directe de cette innovation.
En France, la récupération du biogaz de décharge est devenue obligatoire depuis l’arrêté du 9 septembre 1997. En 2012, le gaz de décharge représentait plus de 70 % de la production d’énergie primaire issue du biogaz dans notre pays. En 2014, dans le cadre d’un appel à projets pour la création de « territoires à énergie positive », 1 500 projets de méthaniseurs ont été lancés sur trois ans.
En 2015, la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a fixé un objectif ambitieux : 10 % de la consommation totale de gaz devra provenir de sources renouvelables d’ici 2030. À cette époque, le biogaz ne représentait alors que 0,02 % de la consommation totale de gaz en France. En 2021, la France a doublé son volume de production de biogaz par rapport à l’année précédente, mais en 2022, il ne représentait encore que 2 % de sa consommation de gaz.
Le développement du biogaz est favorisé par le Grenelle de l’environnement ainsi que les lois qui le suivent, notamment en imposant des objectifs de recyclage et de valorisation des déchets organiques. Les collectivités devront par exemple valoriser 65 % des déchets non dangereux et non inertes en 2025, et réduire l’enfouissement des déchets ménagers et assimilés (DMA) de moitié en 2025. Enfin, la transposition française de la directive européenne de 2018 a institué la généralisation du tri à la source des biodéchets de tous les producteurs (y compris les ménages) fin 2023.
Le biogaz, un vecteur d’énergie issu de la méthanisation
La méthanisation est un processus biotechnologique qui convertit les substrats organiques en biogaz par l’action synergique de communautés bactériennes en milieu anaérobie, c’est-à-dire en absence d’oxygène. Ce processus se déroule en quatre phases principales :
- L’hydrolyse. Les grandes molécules organiques comme les glucides, protéines et lipides sont décomposées en éléments plus simples ;
- L’acidogenèse. Les produits de l’hydrolyse sont transformés en acides gras volatils, alcools, hydrogène et dioxyde de carbone ;
- Acétogenèse. Les composés formés précédemment sont convertis en acétate, hydrogène et dioxyde de carbone ;
- La méthanogenèse. L’acétate et l’hydrogène servent de substrats pour la production de méthane par des archées méthanogènes.
Biogaz : quelles applications pour ce gaz renouvelable pour les collectivités ?
A l’issue du processus de méthanisation, le biogaz passe par une phase d’épuration pour obtenir un gaz proche du gaz naturel. Il s’agira principalement de séparer le méthane du dioxyde de carbone et des autres molécules pour aboutir à du biométhane. Ce dernier pourra alors être valorisé de plusieurs façons :
- Le biométhane purifié peut être injecté dans les réseaux de gaz naturel pour servir à tous les usages habituels du gaz comme la cuisson, le chauffage et les processus industriels ;
- Le biogaz peut être comprimé en vue de sa vente dans les stations de carburant en tant que bioGaz Naturel pour Véhicule (BioGNV), offrant une alternative propre au diesel et à l’essence ;
- Le biogaz peut être brûlé dans des moteurs de cogénération pour produire simultanément de l’électricité et de la chaleur, utilisables localement ou injectables dans les réseaux de distribution. Dans ce cas précis, la combustion du biogaz sera soumise à la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (rubrique 2910).
A noter : l’électricité et le biométhane issus de la méthanisation des matières organiques peuvent bénéficier de dispositifs de soutien avec un tarif d’achat fixe ou une procédure d’appel d’offres. L’ADEME, via le Fonds Chaleur, soutient également l’injection de biométhane et sa valorisation sous forme de cogénération ou de production de chaleur à travers des aides à l’investissement.
En plus du biogaz, le processus génère également un sous-produit, le digestat, riche en éléments nutritifs et utilisable comme amendement organique. Le méthaniseur va également produire une certaine quantité de dioxyde de carbone qui pourra être valorisée dans des applications industrielles, comme la culture sous serre ou comme matière première dans certaines synthèses chimiques.
Comment développer la méthanisation dans les territoires ?
La méthanisation s’inscrit au carrefour de plusieurs filières environnementales et implique généralement plusieurs collectivités, qu’elles soient porteuses principales des projets ou accompagnatrices.
Déterminer le potentiel du territoire en matière de méthanisation
Il s’agit à ce stade d’analyser le gisement existant pour évaluer le potentiel des projets de méthanisation et de valorisation du biogaz.
Quels sont les producteurs des déchets organiques (opérateurs agricoles, ménages, industriels, administrations…) ? Quelle est la typologie des déchets (déchets putrescibles, emballages, déchets verts, agricoles, effluents, d’élevage, etc.) ? Comment est organisée la gestion de chacun de ces flux organiques ? Quelle est la localisation des différents gisements ?
A savoir : en France, l’essentiel du gisement méthanisé provient des activités agricoles, avec les fumiers et lisiers (ou effluents d’élevage). En 2020, 46 % des nouveaux projets de raccordement reçus par l’ADEME étaient alimentés en effluents d’élevage.
Construire une offre de production et de valorisation énergétique du biogaz
Plusieurs dispositifs de soutien sont proposés par l’Etat pour soutenir l’injection sur les réseaux d’électricité ou de gaz via un tarif d’achat établi.
Le soutien au biogaz valorisé en électricité pour les installations de stockage de déchets non dangereux a pris fin le 31 décembre 2020, conformément au décret n° 2019-527. Les producteurs dont les contrats d’achat ont expiré peuvent toutefois prétendre à un nouveau soutien tarifaire s’ils réalisent des investissements, notamment pour les installations de plus de 300 kW, pour lesquelles une étude de faisabilité pour l’injection de biogaz dans le réseau de gaz est obligatoire.
Un système de garanties d’origine (GO) permet la traçabilité du biométhane injecté, géré par GRDF. Les décrets récents interdisent le cumul de ces GO avec les aides d’État pour les projets contractés après le 9 novembre 2020, à l’exception des installations plus anciennes, qui peuvent choisir entre l’émission de GO sans soutien tarifaire ou pour le compte de l’État.
Quelles actions de la part de la collectivité ?
Les unités de production de biométhane s’établissent au niveau local et contribuent à la transition énergétique. Les collectivités peuvent jouer un rôle d’encadrement et d’orientation pour stimuler l’émergence d’une filière de biogaz de manière décentralisée sur leur territoire. Plusieurs moyens d’action sont identifiés par l’ADEME :
- Planifier l’aménagement du territoire, par exemple en prévoyant un zonage adapté au développement des unités de méthanisation ;
- Analyser le gisement de matières organiques mobilisables pour mieux identifier le potentiel et la viabilité des projets ;
- Créer une société d’économie mixte (SEM) en s’associant à d’autres acteurs locaux ;
- Porter un projet de méthanisation dans le cadre des services publics de gestion des déchets ou d’assainissement, ou traiter les déchets de la collectivité dans une unité de méthanisation portée par un autre acteur ;
- Accorder des subventions ou mettre à disposition un terrain aux porteurs de projets de méthanisation ;
- Travailler à l’acceptation sociale des projets de méthanisation en sensibilisant les citoyens aux enjeux de l’économie circulaire ;
- Mettre en place et participer au financement participatif de ce type de projets.
Biogaz et méthanisation : ces collectivités qui ont sauté le pas
Pionnière, la Métropole européenne de Lille a inauguré dès 2007 un centre de valorisation organique (CVO) alimenté chaque année par plus de 80 000 tonnes de biodéchets (ménages, restauration collective et végétaux déposés en déchèterie)
Dans le cadre du projet de méthanisation territoriale de Golfe du Morbihan Vannes Agglomération (GMVA), la collectivité a fait l’acquisition de véhicules qui circulent au bio-GNV.
De son côté, la Communauté d’agglomération de Vienne Condrieu a mis en place une unité de méthanisation sur site pour soutenir la station d’épuration des eaux usées (STEU).
Avec une capacité nominale de 430 000 EH, la station d’épuration Aquapole, à Grenoble, embarque deux méthaniseurs pour les boues primaires et les boues biologiques.
Plus largement, la France compte près de 1 200 unités de production de biogaz : 25 % via une injection dans les réseaux de gaz et 75 % sous forme de chaleur et d’électricité.